Pierre-Arnaud Coquelin

C’est un gain de temps de recevoir des candidatures préqualifiées qui sont globalement de bonne qualité.
  • Fondateur de l’entreprise Mac Lloyd à Millau

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Mac Lloyd est une entreprise de technologie, née en 2013, qui fait du tracking pour le sport de haut niveau. Elle conçoit et fabrique des trackers GPS : petits boitiers qui sont mis sur le dos des joueurs en sport collectif : foot, rugby, hockey sur glace aux Etats-Unis mais aussi sur les chevaux maintenant et en sports olympiques. Ce sont les 3 segments.

C’est une entreprise totalement verticale dans le sens où on conçoit et réalise nos logiciels, notre électronique et on va jusqu’à assembler nous-mêmes la partie textile, la partie plastique et réaliser le test qualité ici, à Millau. C’est une petite entreprise : 15 personnes, 2 millions d’€ de chiffre d’affaires. Nous sommes présents dans l’Ouest de l’Europe et aux Etats-Unis, avec 3 sites : Paris, Millau et Miami. Pour situer le contexte, l’entreprise appartient au groupe TIPA.

Quelle est la répartition des salariés sur les sites ?

2 personnes aux Etats-Unis, 5 à Millau et 7 à Paris, plus moi.

Quelles sont vos problématiques de recrutement ?

Les postes sont différents selon les sites.

A Paris, nous sommes sur une problématique d’ingénieurs, commerciaux super balaises ! Nous avons besoin de personnes de haut niveau pour constituer les équipes “tech” de Mac Lloyd. Pour préciser, à Paris, tous les profils ressemblent au mien (ndlr : P-A Coquelin est polytechnicien/thésard en math appliquées) : il n’y a que des normaliens, des centraliens, polytechniciens, des personnes issues de grandes écoles… Nous sommes peu nombreux et nous concevons des objets qui sont compétitifs au niveau mondial. Les 3, 4 personnes qui travaillent chez nous doivent pouvoir “pondre un truc correct” !

A l’étranger, à Miami plus exactement, nos commerciaux savent se battre dans l’univers des techs pour le sport, autrement dit un microcosme mondialisé relativement trendy. Nos concurrents offrent des salaires élevés, nous devons tirer notre épingle du jeu.

A Millau, nous sommes sur des compétences de production. J’ai voulu mettre la R & D de Mac LLoyd à Millau au début mais ça a été un lamentable échec, je n’ai jamais trouvé le profil adéquat ici. J’avais créé une annonce de recrutement de docteur en math pour notre partie algorythmie et de profil en électronique. Je n’ai jamais réussi à faire venir quelqu’un qui corresponde à notre besoin et je ne suis jamais tombé ici sur un profil de grande école ou sur un docteur en math ou en électronique. Quant aux personnes de Montpellier ou de Paris, elles avaient toujours un blocage pour se déplacer. Parfois elles étaient disposées à se déplacer mais elles n’ont jamais réussi à faire venir leur compagne. J’ai finalement abandonné l’idée de mettre la R&D à Millau et n’y ai mis que la production. Nous avons recruté un chef d’atelier, en provenance d’Albi, une personne habituée à la campagne. Puis nous avons embauché des opérateurs d’atelier plutôt facilement. Ici, à l’inverse des compétences de niche précitées, un profil sur deux tient la route comparativement à Paris où il est nécessaire de recevoir 50 candidatures pour en trouver une qui colle. En Aveyron, il existe une main d’oeuvre éduquée et bienveillante, pas forcément qualifiée mais qui peut le devenir. Nous avons également recruté une assistante administrative, Anne, qui est la compagne de l’entraîneur de trail de mon fils.

Comment procédez-vous pour vos recrutements ?

C’est assez simple, Anne utilise Pôle Emploi et L’Aveyron recrute. Puis on procède aux entretiens et on choisit. On fait un peu de facebook aussi, et du bouche à oreilles.

Comment avez-vous connu L’Aveyron Recrute ?

Avant d’emménager à Millau, en février 2019, on a hésité entre 2 sites : Sévérac-le-Château et Millau. L’atelier était chez moi pendant 3 ans. Nous avons mis les 2 villes en concurrence pour trouver un local correct. Camille Gallibert, maire de Sévérac à l’époque, m’a présenté Florian Maurel de la communauté de communes qui m’a parlé du dispositif L’Aveyron Recrute.

Pouvez-vous nous parler d’une expérience de recrutement menée avec L’Aveyron Recrute ?

On avait des postes d’opérateurs et le poste de Léo (ndlr : chef d’atelier) sur votre site internet. Mais au final nous n’avons pas retenu vos candidats. Je me souviens d’une candidate qui s’était déplacée d’assez loin, elle avait fait 6h de voiture. Je me souviens également de 2-3 candidats intéressants effectivement, en local parfois.

Le plus de L’Aveyron Recrute, c’est le côté personnalisé et bienveillant. C’est un gain de temps de recevoir des candidatures préqualifiées qui sont globalement de bonne qualité. Nous ne sommes pas sur du volume.
Et vous avez parfaitement raison de lier l’attractivité du territoire à l’emploi par la mise en relation professionnelle. C’est une région qui est agréable. Bien vivre c’est une chose mais s’il n’y a pas de job, les gens ne viennent pas. 

Je vois tout de même un frein : le délai d’embauche des candidats extérieurs au département. Je me souviens d’une candidate, responsable administrative d’un intermarché au Sud de Paris, à Bourges ou Auxerre, qui avait un projet d’emménagement en Aveyron 6 mois plus tard. Nous ne pouvions pas attendre, pas sur un tel poste en tous cas. Sur des postes de cadre, cela s’entend. Les candidats hors Aveyron introduisent inévitablement une zone d’incertitude que l’on n’a pas forcément avec des gens qui habitent déjà ici, alors qu’il s’agit pourtant de personnes déterminées dans le sens où leur engagement est plus fort. Mais à compétences égales, le chef d’entreprise choisit la personne disponible tout de suite. Cette association projet professionnel/projet personnel peut également être un frein lorsqu’on se pose la question de l’inscription sur la durée. Je peux d’autant plus me poser la question que j’ai fait ce choix, de m’installer à Millau en tant que parisien. Quand je suis arrivé avec Marine, les gens du coin nous ont dit : “vous ne passerez pas l’hiver”, car nous vivons en plus sur un site isolé. On savait ce que l’on faisait mais effectivement on aurait pu ne pas passer l’hiver. Disons que le “bobo” parisien lui, ne passerait pas l’hiver.

Une préconisation afin d’améliorer le dispositif ?

La question du volume se pose. Mais l’idée n’est peut-être pas d’avoir du volume. Votre site pour moi, c’est une sorte de canal spécialisé préqualifié, entre Pôle Emploi et Monster ou Indeed.

Aujourd’hui, on est dans une économie relativement mobile. Pour mes postes de chercheurs ingénieurs, j’aurais bien favorisé le télétravail. Un environnement comme celui-là pourrait favoriser l’émergence de cluster sur des emplois hautement qualifiés parce que lorsqu’on a quarante ans et qu’on a fait son début de carrière correctement, on veut un cadre de vie correct. Des personnes sont attirées par l’escalade, le trail, et l’Aveyron en soi offre un cadre parfait pour ces activités. Le choix que j’ai fait, c’est celui-là, mes revenus me permettant de passer outre certaines contraintes de l’Aveyron notamment liées aux connexions des transports. 

source : interview du 11 décembre 2020